L’analyse de SUD éducation pour un vrai service public d’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche
L’éducation représente le plus gros objet de dépenses de l’État. C’est un enjeu majeur pour préparer la société de demain, une société plus juste socialement et écologiquement.
Or on constate que les moyens engagés sont insuffisants et la politique éducative à l'œuvre creuse les inégalités. L’école est à un point de rupture, et cela a des conséquences sur la société dans son ensemble.
Les derniers gouvernements prétextent la baisse démographique pour justifier les suppressions de poste, cet argument ne tient pas face aux données de l’OCDE.
Des créations de postes
- Dans le 1er degré :
En 2024, on compte en moyenne 18,2 élèves par enseignant·e (ce qui ne correspond pas à la taille moyenne des classes) dans le 1er degré en France tandis que la moyenne de l’OCDE se situe à 14 élèves pour un·e enseignant·e.
La rentrée 2024 a vu ainsi la suppression de 650 postes, ce qui traduit la volonté du gouvernement de ne pas se rapprocher de la moyenne de l’OCDE.
Le manque de personnels enseignant·es conduit à une situation de mise sous tension permanente : les personnels ne sont plus remplacé·es et chaque absence pèse sur l’école entière.
- Dans le 2d degré :
Entre 2017 et 2023, on a compté 8 865 suppressions de postes dans le second degré, l’équivalent de 166 collèges, à rapporter aux 7 441 élèves supplémentaires.
Pour retrouver le taux d’encadrement de 2006, il faudrait recruter 45 257 enseignant·es sur le programme 140.
Les conséquences de ces suppressions de postes sont visibles :
- augmentation du nombre d’élèves par classe en collège :
2000 : 24,2
2010 : 24,4
2020 : 25,6
2022 : 25,9
- augmentation du nombre d’élèves par classe en lycée général et technologique :
2000 : 27,7,
2010 : 27,7,
2020 : 30,2
2022 : 30,3
Selon l’OCDE, la France est l’un des pays où l’élève entend le moins bien l’enseignant·e.
Le déficit de personnels médico-sociaux est également criant :
- 900 médecins, moins de 8 000 infirmières pour 12 millions d’élèves.
Moins de 20% des élèves de 6 ans passent la visite médicale, pourtant obligatoire.
Handicap et inclusion
On compte environ 132 000 personnels AESH, à plus de 93% des femmes, au salaire moyen de 850 euros, et sans perspective d’évolution salariale.
Le MEN crée des postes d’AESH pour répondre aux besoins des élèves en situation de handicap mais ne parvient pas à les pourvoir. Chaque année, ce sont les AESH qui contactent le plus nos équipes syndicales dans les départements pour être accompagné·es dans leur démission.
Pour professionnaliser les missions d’AESH et répondre aux besoins de l’école inclusive, il faut reconnaître que l’accompagnement des élèves en situation de handicap est un métier et créer un statut de la Fonction publique.
Créer un statut de fonctionnaire pour 129 000 AESH avec un temps plein à 24h face élève et un salaire net à 1 700 euros coûterait 0,216 milliards d’euros, soit une augmentation de 0,3% du budget du ministère de l’Éducation nationale.
En comparaison : la généralisation du SNU est évaluée de 3,5 à 5 milliards d’euros par an.
Crise d’attractivité
La crise d’attractivité est persistante et a des conséquences désastreuses :
- le non-remplacement fréquent : dans le bilan de la rentrée 2024, selon les académies, entre 21 % et 72 % des établissements manquent de professeur·es. Au niveau national, ce sont 56 % des établissements qui avaient au moins un professeur manquant.
- la baisse de la qualité du service rendu à la population. Les académies doivent recruter des contractuel·les insuffisamment formé·es.
- la perte de confiance dans le système éducatif est palpable dans la population et profite au secteur privé.
Les causes de la crise sont connues :
- des salaires trop faibles en milieu et fin de carrière et peu compétitifs avec des emplois du secteur privé ;
- le recrutement à bac+5 a asséché le vivier de recrutement et modifié sa sociologie ;
- les suppressions de postes rendent inaccessibles des mutations permettant de retourner dans leur département d’origine pour une part importante des personnels du second degré ;
- les réformes successives détériorent les conditions de travail et la qualité de la relation avec les élèves et le reste de la communauté éducative ;
À cela s’ajoutent le délabrement du bâti, l’inexistence d’une médecine du travail, et un management libéral brutal et inefficace.
L’école privée, inégalitaire, largement bénéficiaire des fonds publics
Les établissements privés sous contrat sont financés à 75 % avec des fonds publics alors que ces établissements peuvent sélectionner les élèves qu’ils accueillent.
Les résultats de l’enquête PISA 2022 ont montré que le nombre d’élèves de 15 ans scolarisés dans des établissements privés avait augmenté de 5,2 points, passant de 16,4 % en 2018 à 21,6 % en 2022.
L’enseignement privé, c’est 13 milliards d’argent public et 15 % du budget de l’Éducation nationale selon la loi de Finances 2024. Le budget de l’enseignement privé sous contrat augmente à nouveau plus vite que celui du public en 2024 (+4,6 % pour le premier degré public, +5,4 % pour le second degré public mais +6,7 % pour le privé sous contrat).
En finançant le privé, l’Éducation nationale organise et finance la ségrégation scolaire : lorsqu’un collège favorisé est situé près d’un établissement défavorisé, dans 85% des cas c’est un établissement privé.
Cette ségrégation est bien pointée par le rapport Vannier-Weissberg : « À la rentrée 2022, les élèves scolarisés dans un établissement privé sous contrat présentaient un IPS [indice de position sociale] moyen de quinze à vingt points supérieur à l’IPS moyen des élèves scolarisés dans un établissement public, tous niveaux scolaires confondus. »
SUD éducation revendique la fin au financement public de l’enseignement privé.
Pour SUD éducation, il est plus que jamais temps de reprendre le débat sur la fin du dualisme scolaire à l’occasion des débats sur le budget 2025 :
- en mettant fin au financement public de l’enseignement privé ;
- en nationalisant l’enseignement privé, sans indemnité ni rachat, et en transférant ses personnels dans les corps correspondants de l’enseignement public.
Dans le supérieur, l’enseignement privé représente un quart des effectifs, contre 14 % il y a 20 ans. La moitié des étudiant·es supplémentaires depuis 10 ans sont des étudiant·es du privé. Sur cette période, le privé a crû de 65 % contre 16 % pour le public. Cette situation résulte de choix politiques :
- la loi Pénicaud de 2018 a octroyé de généreux financements publics au privé ; la promotion de l’apprentissage par le gouvernement fait que, en 5 ans, les aides publiques aux entreprises pour l’apprentissage sont passées de 5 à 20 milliards ;
- la sélection par Parcoursup et la prospection de groupes privés auprès des recalé·es ou de celles et ceux qui sont inquiet·es de l’être conduisent de nombreux·ses bachelier·es à “sécuriser” leur possibilité de poursuivre des études supérieures en rejoignant un établissement privé ;
- le désinvestissement de l’État dans l’enseignement supérieur public.
Avec la baisse démographique, on peut craindre une politique très offensive des établissements privés contre le public afin de conserver leurs postes.
SUD éducation revendique la fin de toute subvention publique pour les établissements privés de l’Enseignement supérieur, notamment par le biais de l’apprentissage. Il est urgent de réinvestir les 20 milliards d’euros de l’apprentissage dans le service public de la formation continue.
Le contrôle effectif des entreprises privées puis l’application de sanctions lorsque la réglementation n’est pas respectée doivent être mis·es en place.
Pour une école qui réponde aux enjeux écologiques et sociaux d’aujourd’hui et de demain
Une école qui combat les inégalités sociales et les discriminations
Pour faire mieux réussir les élèves il faut améliorer leurs conditions d’études en classe en baissant le nombre d’élèves par classe et en garantissant des classes encore moins nombreuses en éducation prioritaire. Mais il est également nécessaire d’améliorer les conditions d’étude des élèves en les accompagnant hors de la classe : tous les personnels sont nécessaires au bien-être et à la réussite des élèves. L’école manque de personnels médico-sociaux, de vie scolaire, AESH, administratifs et techniques.
Depuis la révision de la carte de l’éducation prioritaire en 2015 et l’exclusion des lycées de la carte, la situation s’est largement dégradée avec une homogénéisation par le bas des IPS des écoles et des collèges d’éducation prioritaire à mesure que les IPS des établissements privés n’ont cessé de s’homogénéiser par le haut. Aujourd’hui, l’octroi de moyens supplémentaires en éducation prioritaire résulte de choix académiques, de réalisation de projets portés par des personnels volontaires ou de concentration des moyens sur certains niveaux (dédoublements par exemple) au détriment des autres. La politique d’éducation prioritaire ne conçoit pas la scolarité de l’élève dans son entièreté ni dans sa continuité. De même, les politiques d’appels à projets ou de dispositifs d’excellence témoignent d’une vision méritocratique de la lutte contre les inégalités.
L’éducation prioritaire est malmenée, or elle reste la réponse la plus appropriée pour lutter contre les inégalités sociales : donner plus de moyens aux élèves des milieux les plus défavorisés afin de leur permettre d’accéder à un même service public d’éducation. On constate aujourd’hui que les classes de collège ne sont pas beaucoup moins chargées en éducation prioritaire (25,9 pour la moyenne nationale pour 24 en éducation prioritaire) et que les bâtiments y sont largement insalubres.
Le rapport de la Depp de juillet 2022, mis à jour en avril 2024, au sujet de l’éducation prioritaire en France, donne des éléments sur les inégalités sociales en jeu : 84 % des collèges en REP+ et 34 % des collèges en REP accueillent au moins 60 % d’élèves d’origine sociale défavorisée, contre seulement 2 % des collèges publics hors éducation prioritaire.
On peut à partir des résultats au DNB mesurer à quel point les inégalités sociales produisent des inégalités scolaires : en 2022, 23,7 % des élèves des collèges REP+ et 32,3 % des élèves des REP ont obtenu une moyenne supérieure à 10/20 aux épreuves écrites du diplôme national du brevet (DNB), contre 52,8 % dans les collèges publics hors éducation prioritaire.
De même, la carte de 2015 exclue toute une partie des écoles et des établissements dont les IPS des élèves ont évolué et qui devraient être classés en éducation prioritaire.
C’est le cas de l’école Mandela à Saint-Herblain, pour laquelle SUD éducation est intervenu en CSA ministériel, mais aussi des écoles du Biollay (Chambéry), Notre Dame de Briançon (La Léchère), Roosevelt et Sierroz (Aix-les-Bains) dont les IPS sont semblables à ceux des écoles d’éducation prioritaire du département. Cette carte n’intégrant plus aucun lycée, elle prive également de nombreux lycées, et en particuliers grand nombre de lycées professionnels de la politique d’éducation prioritaire, malgré des IPS inférieurs à ceux des collèges classés.
Enfin, alors que la lutte contre le harcèlement scolaire était une priorité de l’ancien Ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, on regrette que les paroles ne se soient pas suivies des actes. Toutes les politiques de lutte contre le harcèlement, les discriminations, les violences ou pour améliorer le climat scolaire se butent à un manque de personnels : la formation continue disparaît pour limiter les cours annulés faute de remplaçant·es, il n’y a pas assez de personnels médico-sociaux, de Vie scolaire pour accompagner, écouter et mettre en sécurité les élèves…
Pour prendre un exemple concret, le défaut de formation que subissent les personnels explique en partie le chiffre inquiétant de 85% des élèves qui ne bénéficient pas des trois séances annuelles d’éducation à la sexualité.
Une école qui répond aux enjeux écologiques et de santé
L’école doit prendre sa part dans la reconversion écologique de la société : SUD éducation revendique une approche globale de la rénovation du bâti scolaire qui représente 45% du patrimoine immobilier des collectivités territoriales. Pour tenir ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les 140 millions de m2, où sont accueilli·es les élèves et les personnels dans les écoles et établissements scolaires, doivent être rénovés.
Par ailleurs, les épisodes de canicule, qui se répètent à présent chaque année, mais aussi les inondations mettent au jour la nécessité d’adapter le bâti pour garantir l’accès du service public d’éducation sur tous les territoires. Un rapport d’Oxfam France sur l’adaptation au changement climatique montre que 1,3 millions d’enfants en maternelle seront exposés à des chaleurs excédant 35° dans les classes d’ici 2030, soit dans 5 ans et demi.
Selon le rapport sénatorial de François Demarcq sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires datant de 2020, 40 milliards d’euros sont nécessaires pour rénover le bâti scolaire.
Dans le cadre du programme EduRénov, la Banque des territoires a annoncé une enveloppe de 2 milliards d’euros pour rénover 10 000 établissements scolaires d’ici à 2027 afin d’atteindre au minimum 40% d’économies d’énergie. À cela s’ajoutent 50 millions pour accompagner les collectivités territoriales.
SUD éducation constate que l’enveloppe allouée est très insuffisante au regard des besoins chiffrées sur par le rapport Demarcq. Le financement des rénovations manque de transparence et d’un pilotage global qui devrait répartir les moyens en fonction des territoires, de leurs caractéristiques sociales et de leur vulnérabilité face au dérèglement climatique.
Retrouver nos revendications et notre analyse :
- pour la reconversion écologique de l’école : https://www.sudeducation.org/tracts/brochure-n92-changer-lecole-pas-le-climat/
- pour la restauration scolaire et universitaire :
Face à l’amiante, réagissons !
L'amiante est un matériau hautement cancérogène qui peut provoquer des maladies mortelles dès la première exposition. En France, il a été interdit en 1997. 85% des écoles et établissements scolaires et universitaires ont été construits avant cette date, il y a donc de l'amiante dans la plupart d'entre eux.
La vétusté de ces bâtiments implique une dégradation grandissante des matériaux de construction, qui libère de plus en plus de fibres d’amiante dans l’air. Aujourd'hui, le réchauffement climatique met en lumière les problématiques d’isolation thermique des bâtiments. D’importants fonds sont débloqués pour une rénovation thermique du bâti scolaire et universitaire : cette rénovation va toucher un grand nombre de bâtiments où l'amiante est présent, elle ne doit pas se faire en ignorant cet enjeu, ni au péril de la santé des ouvrièr·es, des agent·es, des élèves et étudiant·es.
Le scandale de l'amiante qui a retenti avec fracas dans les années 1990 est donc loin d'être terminé, et nous ne sommes encore qu'aux prémices de la catastrophe : les estimations tablent sur 100 000 morts liées à l'amiante d'ici à 2050 selon le Haut Conseil de la santé publique*, qui se base sur plusieurs rapports de l'Institut national de veille sanitaire (InVS), rapports rédigés par des membres de la communauté scientifique. Combien de mort·es dans l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche ?
Il y a donc là un enjeu de santé publique majeur !
La campagne de SUD éducation contre l’amiante en milieu scolaire et universitaire témoigne de la nécessité d’un investissement massif de l’État pour procéder au recensement des DTA (dossiers techniques amiante) et aux opérations de désamiantage. Retrouvez notre campagne ici :
Le refus de l’administration de communiquer nombre de documents administratifs (les dossiers techniques amiante, mais aussi le calcul de la répartition des moyens entre établissements, les moyens alloués au privé,, etc.), pose des problèmes de transparence et de démocratie. Il y a nécessité d'obliger les collectivités territoriales à faire les diagnostics et les travaux qui s’imposent pour protéger la santé des personnels comme celle des élèves. Notre campagne a mis au jour des situations dramatiques : matériaux dégradés, actions correctives immédiates qui attendent des années, mise en danger des personnels et usagers, inertie des pouvoirs publics…
Pour financer ces travaux et aider les collectivités territoriales qui n’ont que peu de fonds, SUD éducation revendique la création d'un fond de diagnostic et de désamiantage abondé par les industriels.
Enseignement supérieur et recherche (programme 150)
Une dépense publique par étudiant inégalitaire
La dépense publique par étudiant·e est de 8 800 € par an à l’université (en moyenne car la dépense est de 4 200 € à l’université de Nîmes contre 14 369 € à l’université Paris Saclay) mais elle est de 15 000 € par an en classe préparatoire, de 17 000 € par an à Sciences Po, de 42 000 € par an à l’École normale supérieure, et de 107 000 € à l’INSP (ex ENA).
Deux mesures fortes permettraient de corriger les inégalités :
- porter le financement des licences au niveau des CPGE coûterait 5 milliards d’euros ;
- mettre en place un salaire étudiant à 1000 € par étudiant·e est évalué aux alentours de 21 milliards d’euros.
Ces 2 mesures sont compensables par :
- la fin du crédit d’impôt recherche (7,2 Md€) qui va pour moitié à 500 grandes entreprises privées et qui n’a aucun impact réel sur la recherche (ni même la recherche et développement dans le privé) ;
- la suppression des exonérations aux entreprises type CICE et CVAE : 20 milliards d’euros.
Crise de l’ESR public
Le nombre d’étudiant·es sur les dix dernières années augmente de 16 %. Mais sur la même période, le nombre de personnels n’augmente que de 2,3 %.
Le taux d'encadrement s’est effondré de 12 % entre 2008 et 2021. Avec des inégalités énormes : 4,21 pour 100 étudiant·es à l’université de Nîmes, contre 14,39 pour 100 à l’université Paris Saclay ; soit un rapport de un à trois.
Il faudrait désormais ouvrir plus de 11 000 postes pour retrouver les taux d’encadrement de 2010. Il faut également construire 10 universités de proximité notamment pour permettre un réel maillage territorial et des possibilités de poursuite d’étude.
Un effort de recrutement de 10 000 enseignant·es chercheur·ses et 10 000 BIATSS est nécessaire dès maintenant pour accueillir les 300 000 étudiant·es sans fac ou dans des formations très éloignées de leurs vœux.
Une loi de programmation budgétaire avec une trajectoire de recrutement de 60 000 personnels supplémentaires sur 10 ans constitue la revendication centrale de l’intersyndicale de l’ESR.