Nous ne voulons pas travailler plus

"Puisque nous vivons plus longtemps, il faudra travailler plus longtemps." Voilà l'élément de langage répété à l'envi par le gouvernement pour justifier sa réforme des retraites. Après plus de 6 mois de conflit social, un passage en force de la loi par le 49.3, la confiscation de tout débat le 8 juin en déclarant inconstitutionnelle la proposition de loi visant à abroger le recul à 64 ans, la répression féroce des manifestant·es, nous ne renonçons pas, nous ne tournons pas la page. Nous pensons toujours qu'il faut travailler moins et gagner plus.
Mais Macron ne l'entend pas ainsi, et continue d'avancer dans une même direction : travailler plus pour gagner plus pour les enseignant·es avec le Pacte, travailler plus pour gagner aussi peu pour les AESH/AED dont il souhaite la fusion, et même travailler pour gagner une misère pour les élèves des lycées professionnels.

Le PACTE

une attaque du statut en règle

On nous présente le PACTE comme des heures supplémentaires (mal) rémunérées si les enseignant·es acceptent de nouvelles missions. Il s’agit pourtant d’abord d’une attaque contre notre statut de fonctionnaire. En effet, en établissant un catalogue de missions à accomplir, que chaque agent·e pourrait choisir parmi un panel de propositions, chose inédite dans l’Education nationale, on introduit une contractualisation d'une partie du travail, en rupture avec la logique de missions de service public qui ont une valeur universelle (on ne choisit pas ce qu’on doit faire pour rendre un service au public).

Dans la Fonction Publique, nos statuts garantissent un droit à la carrière c’est-à-dire un salaire établi en fonction d’une grille indiciaire qui évolue selon l’ancienneté quand on change d’échelon.

Avec le virage, le ministère introduit l’idée que la paie sera fonction des missions « choisies » en complément d’un travail de « socle ». Ainsi, le travail de base, c’est-à-dire tout de même enseigner, n’est pas suffisant pour toucher davantage. Plutôt qu’augmenter les salaires de toutes et tous ( les enseignant·es français·es travaillent déjà de 750 à 900 heures annuelles en moyenne pour 42 000€ en moyenne contre 670 heures pour 87 000€ chez les Allemand·es ), le gouvernement choisit de donner des primes à celles et ceux qui travailleront davantage… Ce n’est pas une perspective très réjouissante : pour gagner plus, il faudra travailler plus (on avait déjà entendu cette antienne quelque part).

En introduisant un panel de missions au choix et une rémunération au choix, le statut de l’agent·e de la fonction publique est remis en cause.

un outil de new management

En signant le Pacte, les enseignant·es seront redevables envers leurs chef·fes (que ce soit dans le second degré ou dans le premier où la loi Rilhac a donné malgré elles et eux de nouveaux pouvoirs aux directrices et directeurs d’école). En signant le Pacte, c’est-à-dire un contrat, impossible de refuser certaines choses comme l’organisation de son temps de travail : les missions étant annualisées, ce sera le chef ou la cheffe d’établissement qui aura le pouvoir d’organiser leur agenda sur l’année, en complément de l’agenda hebdomadaire défini une fois par an.

Ce sera également la mise en concurrence des personnels pilotée par les chef·fes d’établissement, auxquels on demandera de contrôler la mise en place des missions et d’évaluer leur bonne réalisation. Une brique supplémentaire donc vers un management toujours plus agressif.

sud éducation appelle à refuser

de signer le pacte qui met

en danger notre statut de fonctionnaire

La réforme des lycées professionnels

Macron a annoncé le 4 mai dernier à quelle sauce allaient être mangés les lycées professionnels, et on peut dire qu’elle a très mauvais goût… La réforme annoncée va renforcer la logique qui est déjà à l’œuvre en lycée professionnel et qui conduit à la situation actuelle. Elle va amplifier :

  • la diminution du temps scolaire (déjà amputé d’une année depuis 2008 et les heures d’enseignement général amputées sous Blanquer)

  • l’employabilité immédiate des élèves au détriment du service public de l’Education, de la formation de « l’homme, du travailleur, du citoyen » (et de la femme, de la travailleuse et de la citoyenne oubliée des textes) ; car un·e élève n’est pas un·e employé·e, un élève·e n’est pas un·e ouvrier·e.

  • Un pouvoir accru des entreprises et des patrons d’entreprise sur le cursus scolaires de nos élèves.

  • les suppressions de postes : 9 000 postes d’enseignant·ees sous statut depuis 2008.

L’enseignement professionnel sous la coupe des entreprises locales

La réforme oppose employabilité et éducation : il s’agit de donner moins de cours aux élèves qui envisagent un emploi après le diplôme. Envisager l’enseignement professionnel par l’employabilité, les besoins des entreprises, l’économie, c’est nier la nécessité émancipatrice de l’école. Le service public de l’Éducation disparaît au profit d’un service aux entreprises du bassin, en fonction de leurs besoins immédiats, pour leur fournir une main d’œuvre bon marché. La logique de formation n’est donc plus globale mais purement locale et territoriale.

Des élèves transformés en travailleurs exploitables

Les élèves stagiaires seraient gratifié-es de 50 à 100 € par semaine soit entre 1.42€ et 2.86 € de l’heure, ce qui entraînerait un glissement dangereux entre stage d’apprentissage et travail rémunéré, dans l’esprit des élèves, des entreprises et de l’opinion publique. Cela permet d’accoutumer les un·es et les autres à se contenter d’aumônes horaires. Cela permet pour les entreprises, de considérer les stagiaires comme des travailleurs puisqu’ils touchent de l’argent pour leur stage.

C’est de l’argent public et les entreprises ne sont pas mises à contribution. Il s’agit de socialiser ces gratifications tout en privatisant une main d’œuvre.

Quid des personnels ? Un plan social couvert par le Pacte

Certain·es enseignant·es sont appelé·es à totalement changer de métier dès Septembre. En effet, Pap N’Diaye a annoncé la suppression de 80 filières existantes, et la création de 150 nouvelles filières dès la rentrée prochaine. A cette brutalité, à cette violence de l’employeur s’ajoutent les propos méprisants du ministre : les personnels qui ne sont pas « nécessairement compétents pour enseigner dans des filières complètement différentes » pourront aller dans le premier degré ou au collège où, si l’on suit la logique du ministre, il n’y a pas besoin de compétences spécifiques et où chacun·e est interchangeable.

Il s’agit là encore d’une casse de nos statuts : tous les postes et tous les concours s’équivalent pour

notre employeur qui fait preuve, là encore, d’un mépris sans nom pour l’ensemble de ses personnels.

Par ailleurs, sans moyens supplémentaires, les divers dispositifs de la réforme ne pourront se mettre en place que par l’adhésion des personnels, à travers le Pacte. Envisagé comme un ensemble non-sécable, ce Pacte LP ne répond en rien aux revendications salariales des personnels : il s’agit simplement de travailler plus pour gagner plus... et participer à la destruction de l’enseignement professionnel dont il est l’outil !

SUD éducation demande l’abandon de la réforme en cours, un retour à 4 années d’enseignement en lycée professionnel et un recrutement massif de personnels sous statut.

Le projet de fusion des AESH/AED

Les personnels AESH sont particulièrement maltraités par l’Éducation nationale : avec les PIAL et la logique de mutualisation, leurs conditions de travail se sont dégradées tandis que le ministère leur refuse toujours un vrai statut de la Fonction publique et un vrai salaire. Le ministre Pap Ndiaye nie le fait que les AESH sont des spécialistes de l’adaptation scolaire et des compensations pédagogiques du handicap.

La Conférence nationale du handicap s’est tenue le 26 avril sans les AESH. Pourtant une série d’annonces bouleversant leur métier en sont sorties : le remplacement des PIAL, la transformation du métier d’AESH et de l’accompagnement spécialisé.

Un PIAL 2.0

À en croire les annonces faites à l'issue de la Conférence, dont on ne peut dire à l’heure actuelle si elles seront suivies d’effets ou non, les PIAL seront remplacés par des "pôles d’appui à la scolarité" renforcés d’un·e professeur·e spécialisé·e dont les missions seront d’accueillir les familles, d’assurer le suivi des élèves en situation de handicap et d’évaluer leurs besoins. Néanmoins la logique de mutualisation n’est pas abandonnée. Au contraire, ces nouveaux pôles continueront d’organiser la mutualisation des moyens et auront pour mission de déployer et de coordonner des aides techniques, humaines et l’accompagnement par les professionnels du médico-social. Le ministère veut mettre en place des PIAL 2.0 qui devront coordonner non seulement l’aide humaine prise en charge actuellement par les AESH, mais également l’accompagnement médico-social de l’élève. Pourtant, les personnels font le constat, sur le terrain, que le PIAL est un échec : les moyens sont insuffisants et les personnels qui coordonnent les PIAL ne sont pas en mesure de remplir leurs missions à l’échelle de plusieurs écoles et établissements scolaires. Une nouvelle fois, le ministère est à la recherche d’outils de gestion pour en faire toujours plus avec des moyens toujours insuffisants. À chaque ministre sa nouvelle idée pour faire passer la pénurie de moyens pour de l’innovation. Ce sont les élèves et les personnels qui en pâtissent.

En audience avec le représentant du recteur ce 13 juin, l’administration nous a dit ne rien savoir pour le moment et être en attente d’instructions du ministère…

Une attaque contre les AESH et les AED

Les attaques à l’encontre des AESH ne s’arrêtent pas là puisque le ministère annonce la destruction du métier d’AESH et de l’accompagnement spécialisé d’ici 2027 : il compte fusionner les fonctions d’AESH et d’assistant·es d’éducation (AED) dans un même métier d’accompagnant·e à la réussite éducative. Ces “accompagnant·es à la réussite éducative” devraient, selon les informations diffusées dans le dossier de presse de la conférence nationale du handicap, assurer l’accompagnement des élèves sur un périmètre encore plus étendu : sur le temps scolaire et périscolaire, sur une zone géographique étendue, avec une nouvelle fois la question de la mutualisation à marche forcée des moyens. Le gouvernement fait le pire choix pour les personnels AESH et les élèves. Ils considèrent les AESH et les AED comme des pions, sans compétences professionnelles, sans spécialisation. SUD éducation le répète : les personnels AESH sont des spécialistes du handicap dans le cadre scolaire. Leurs missions ne s’arrêtent pas en classe : les personnels AESH contribuent à la préparation des adaptations pédagogiques, participent aux avec les autres membres de la communauté éducative Les obliger à prendre en charge le périscolaire pour bénéficier d’un salaire à temps plein revient à sacrifier toutes ces missions pourtant essentielles à la réussite des élèves en situation de handicap.

Pour en savoir plus sur le pacte dans le 1er ou le 2nd degré, et pour lire l'ensemble du journal Azimuts, cliquez ici.